Merci L’Intelligence Artificielle ?
Des études régulières laissent entendre que l’Intelligence Artificielle (I A ) va bouleverser le nombre et la nature des emplois et mettent en évidence que ce profond bouleversement pourrait toucher des professions au statut social reconnu que le prestige et le haut niveau de qualification semblaient devoir épargner . On cite ainsi les professions d’avocats, de banquiers, d’experts comptables et même de médecins.
Certes, l’expérience nous apprend qu’il faut analyser ces analyses prospectives avec une réelle prudence car la communication est friande de scoops et de sensationnel et a donc tendance à forcer le trait et à privilégier l’exagération, ce qui dénature quelque peu la réalité. Ceci étant, la mise en place de la société numérique et l’avènement exponentiel de l’Intelligence artificielle –qui sont incontestables et incontestés- vont certainement modifier l’ordre établi et le rapport à l’emploi. Comme dans toute période de rupture technologique, il y aura des perdants et des gagnants et au rang de ces derniers il est vraisemblable que nous retrouverons les métiers manuels. Pourquoi ?
D’abord, parce que l’Homme ne vit pas seulement de mots ; il a aussi besoin d’agir, de faire, de se confronter à la matière pour en tirer des objets aux fonctions utilitaires ou à la dimension esthétique. Ce n’est pas par hasard que des cadres, aux professions hautement intellectuelles et aux revenus confortables, délaissent le confort d’une vie aisée pour pratiquer une activité qui donne libre cours à la rencontre de la main et de l’esprit. On est en train d’entrer sur la pointe des pieds dans « l’Âge du faire »
Ensuite, les métiers manuels pourraient être les gagnants du développement de l’intelligence artificielle parce que le monde connecté qui se met en place nécessitera des passeurs de technologie. Entre des objets de plus en plus sophistiqués et des consommateurs de plus en plus interpellés il faudra des ingénieurs de la simplicité pour faciliter l’usage et l’appropriation de ces objets. De même, faudra t-il des réparateurs avertis pour les maintenir en bon état de fonctionnement.
En réalité, on peut retenir de cette évolution probable que la définition de l’intelligence et de la notion « d’élite » est irrémédiablement remise en cause. L’intelligence de l’esprit est toujours nécessaire mais elle n’est pas suffisante car elle est désormais talonnée, concurrencée et demain, vraisemblablement, dépassée par l’intelligence artificielle. Pour gagner le match contre l’intelligence artificielle, il va falloir développer d’autres formes d’intelligence en particulier celle du geste et celle du comportement. L’ intelligence va aussi se mesurer à la capacité à faire face à l’incertitude et à l’imprévu confirmant ainsi l’analyse du philosophe allemand Kant qui disait : que « l’on mesurait l’intelligence d’un individu à la quantité d’incertitudes qu’il était capable de supporter ».
Le pouvoir de l’esprit, le pouvoir du geste, le pouvoir du comportement constitueront sans doute le tiercé gagnant à l’heure de l’intelligence artificielle. N’est-ce pas une bonne nouvelle ? Les travailleurs du « bas de l’échelle », comme les nomme une fameuse expression populaire particulièrement explicite, qui se retrouvent au sommet et les premiers de corvée qui deviennent les premiers de cordée ! Nous sommes peut-être à l’orée d’une révolution culturelle qui ferait voler en éclats l’arbitraire distinction entre cols blancs et cols bleus et qui pourrait redonner de la considération et même de la noblesse aux métiers manuels ! Merci l’intelligence artificielle ?
Pascal Pellan